Prison de Bordeaux (Mtl) crédit photo : Wikipedia
Est-ce que le risque de contracter la Covid-19 en prison est un motif suffisant pour être remis en liberté ?
La Cour supérieure, chambre criminelle, a eu à se prononcer récemment.
Comme nous en parlions dans notre récent billet sur le processus judiciaire en temps de pandémie, l’état d’urgence sanitaire actuellement en cours retarde les tribunaux, et les empêche de procéder au fond dans les dossiers. Encore aujourd’hui, à la fin du mois de mai, seules les causes jugées urgentes sont entendues.
Ceci dit, le 8 mai dernier, l’honorable juge Guy Cournoyer a entendu la demande pour la remise en liberté en attente de la tenue de son procès, d’un individu qui est actuellement détenu à la prison de Bordeaux.
L’homme est question est détenu, en attente de son procès, depuis son arrestation, qui remonte à novembre 2018. Il n’a jamais tenté de demander sa remise en liberté pendant les procédures, jugeant que sa détention était justifiée. Il a même renoncé à la révision de sa détention, prévue à l’article 525 du code criminel.
Les faits justifiant l’accusation ont mené au démantèlement d’un réseau de présumés trafiquants et de producteurs de cannabis. L’homme attend actuellement son procès. L’enquête menant à son arrestation a duré près d’une année. Son arrestation a nécessité l’utilisation de méthodes d’enquête comme la filature et l’écoute électronique. La preuve semble forte. De plus, l’homme a des antécédents judiciaires de violence.
Sa demande? Il souhaite être remis en liberté, parce qu’il a peur de contracter la Covid-19. De plus, l’individu croit avoir déjà purgé une portion suffisante de la peine qu’il pourrait recevoir en cas de condamnation. Finalement, il désire présenter une requête en arrêt des procédures pour cause de délais déraisonnables. (Requête Jordan)
Par conséquent, l’homme a présenté une requête pour remise en liberté en attente de son procès. Il estime que la situation actuelle constitue pour lui un changement de circonstances important.
L’individu déplore également le manque de précautions des autorités carcérales. Il y a effectivement eu une éclosion de cas de Covid-19 à Bordeaux. Des agents correctionnels ainsi que des détenus ont été atteints.
Malgré que la situation soit inquiétante, il ne fait aucun doute dans l’esprit de l’honorable juge Cournoyer que les éclosions de Covid-19 dans les prisons rendent nécessaire la tenue d’un examen, quand vient le temps de prendre la décision de remettre ou non un individu en liberté en attente de procès.
Comme il le soulève, « les autorités publiques de la planète apprennent à gérer au quotidien un virus létal qui se manifeste sous des formes jusqu’alors inconnues. » Il met en perspective le rôle des tribunaux versus celui des autorités correctionnelles. Il ne veut pas exercer un contrôle judiciaire du processus décisionnel de l’administration pénitentiaire.
Ainsi, selon lui, « il n’appartient pas au tribunal de se substituer aux choix des autorités correctionnelles. »
Bien que la règle de remise en liberté en attente de procès soit priorisée par rapport à la détention, nous devons évaluer s’il y a réellement urgence de procéder. Nous devons observer attentivement chaque cas.
Après analyse, nous ne pouvons pas exclure que ce motif (le risque d’être exposé à la Covid-19) soit invoqué par une personne détenue inquiète des risques accrus pour sa santé. Ceci dit, le risque doit être prépondérant.
Dans le cas soumis, le juge Cournoyer estime que le risque n’a pas été suffisamment démontré. L’obligation de mettre en place des mesures de protection pour éviter la propagation du virus doit être assurée par les autorités correctionnelles, tout comme celle de s’assurer de la santé des détenus. C’est à elles que reviennent ces responsabilités.
Après avoir entendu la preuve présentée et avoir évalué les chances de succès de ces demandes, le juge est ferme : le cas présenté ne justifie pas la remise en liberté. Dans ce cas-ci, la détention est nécessaire pour assurer la protection du public. Le profil de l’accusé l’empêche de bénéficier d’une remise en liberté pendant l’attente de son procès.
Dans le cas dont il est question, la présence de la Covid-19 à la prison de Bordeaux n’a pas eu d’impact sur le processus décisionnel. Ainsi, l’honorable juge Cournoyer a refusé la requête pour remise en liberté.
L’homme en question ne doit pas être le seul à craindre pour sa santé avec la présence de la Covid-19 en prison.
On peut citer en exemple un récent article du Journal de Montréal, au sujet de Luka Rocco Magnotta, connu pour le meurtre de l’étudiant chinois Lin Jun, et condamné à la prison à vie sans possibilité de libération avant au moins 2037. Sa mère est inquiète à l’idée qu’il puisse contracter la COVID-19. Par conséquent, elle réclame qu’il soit libéré plus tôt que prévu, à cause de la pandémie.
Au final, un avocat criminaliste ou carcéraliste saura épauler un détenu qui se retrouve dans une situation semblable ou n’importe quelle situation qui lui fait craindre pour sa santé ou sa sécurité en prison. Son aide sera primordiale pour maximiser les chances de succès.
Vous avez des questions? Je peux vous aider. Bien sûr, j’ai à cœur la défense des personnes détenues autant que la défense de celles qui sont en liberté. C’est pourquoi je suis également membre de l’association des avocats carcéralistes et progressistes du Québec. C’est notre devoir de nous assurer que les recours soient utilisés efficacement. C’est notre rôle de contester toute demande arbitraire et contraire aux droits fondamentaux.
Si vous avez des questions quant à vos droits et libertés, vous pouvez faire confiance à notre cabinet spécialisé en droit criminel et pénal depuis 2003.
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