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Vous avez dit : « voies de faits » ?

Par : Me Julie Couture | Publié le : 3 février 2021

Nombreux sont ceux qui croient que pour parler de voies de fait, il doit s’agir d’un acte brutal. Un gros coup de pied ou un coup de poing au visage, par exemple. On croit à tord que les voies de fait sont associées à des événements très violents. Vous serez peut-être surpris d’apprendre que ce n’est pas tout à fait le cas. Des accusations peuvent être portées pour beaucoup moins que ça. Mieux vaut être bien informé.

 

Définition

D’abord et avant tout, il est bon de se référer à la définition de base. Selon Wikipedia, la voie de fait désigne, en droit pénal, une violence « légère » commise à l’encontre d’une personne, sans provoquer de lésion corporelle. En droit civil et en droit administratif, la voie de fait désigne un comportement ou un acte portant atteinte aux droits de la personne.

Bon, d’accord, mais qu’est-ce qui distingue la violence « légère » des autres formes de violence?

 

Description des voies de fait

Selon la loi, si on emploie la force contre quelqu’un sans son consentement, on se livre à des voies de fait. On inclut dans ces gestes illégaux le fait de pousser quelqu’un, taper quelqu’un ou même cracher sur quelqu’un. Le fait d’effleurer quelqu’un qui n’y consent pas est également un acte criminel et constitue une voie de fait. Le fait de menacer d’employer la force pour commettre un de ces gestes (par exemple : menacer quelqu’un de le pousser) constitue également des voies de fait. Si la personne menacée croit raisonnablement que l’autre serait capable de passer à l’acte, elle peut porter plainte contre celle-ci.

Dans un tel cas, si on parle de menace d’emploi de la force, il faudra que les propos de l’accusé soient perçus comme une réelle tentative. Il faut également que ce soit prouvé hors de tout doute raisonnable. C’est la poursuite qui devra faire cette preuve.

 

Un jugement concernant des voies de fait

Dans le jugement R. c. Doré (2010), l’accusé aurait menacé d’employer la force contre la victime. On parle donc ici de voies de fait contre un agent de la paix. La poursuite doit donc prouver l’infraction hors de tout doute raisonnable, ce qui est un fardeau de preuve élevé.

Le juge a décidé, suite à l’audition de la preuve, que bien que les actes de l’accusé étaient « agressifs, belliqueux, infantiles et complètement inappropriés », il n’était pas convaincu hors de tout doute raisonnable que les gestes étaient une tentative de menace. Il ne peut pas conclure hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait l’intention d’appliquer la force contre l’agent de la paix. S’il y a un doute raisonnable, le juge doit acquitter l’accusé.

Le Tribunal n’a donc pas pu exclure l’hypothèse selon laquelle l’accusé ne faisait qu’exprimer sa colère et sa frustration envers la police. Pour le juge, le seul fait « d’enguirlander » quelqu’un ne constitue pas la commission de voies de faits. Il faut que la preuve claire et convaincante soit faite. Il faut prouver que les gestes, les actes ou les propos constituaient une réelle tentative d’employer la force.

 

Versions contradictoires et voies de faits

Dans une autre décision, R. c. Martineau (2006), l’accusé se serait livré à des voie de faits sur une dame. On est en présence ici de versions contradictoires. Les deux témoins ont été jugés crédibles par le juge. Or, celui-ci ne pouvait simplement choisir un témoignage par rapport à l’autre. L’accusé devant bénéficier du doute raisonnable, le juge n’a pas eu le choix de l’acquitter. Même si M. Martineau n’a pas dissimulé son hostilité envers la plaignante avec qui il avait des conflits au travail. Il a nié avoir eu l’intention de commettre des voies de faits contre elle. Puis, les deux versions ont été jugées crédibles.

Les versions contradictoires, c’est une situation qui se produit souvent. Si la victime a le droit de présenter sa version, l’accusé a aussi le droit à la sienne. Notre système de justice punit les comportements violents d’une quelconque nature. Or, notre société n’empêche pas les gens de vivre des contrariétés et de les exprimer verbalement, dans le respect des autres. Vous n’êtes pas tenus d’être d’accord avec tout le monde ou d’apprécier tout le monde. Mais la ligne entre ce qui constitue ou non des voies de faits peut se révéler très mince. Elle peut aussi s’avérer être une question de perception.

 

Vous avez le droit à un avocat

Si des accusations ont été portées contre vous, ou que vous avez du mal à comprendre la situation qui vous arrive, venez nous rencontrer au cabinet. Nous prendrons le temps de vous écouter et de vous conseiller pour la suite des choses, quelle qu’elle soit.

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